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Les Voraces
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14 juin 2013

Lettre à la reine de la Culture Pourrie

L'anniversaire d'Ema approchant à grand pas, en amie modèle -ne proteste pas ami lecteur- je lui ai demandé ce qui lui ferait plaisir en cadeau rigolo et pas cher. Cette traîtresse m'a demandé une chronique sur un ouvrage de Sharon Kena. Tu ne vois pas qui c'est ? Si tu as le temps, va lire ici, ici, et . Sinon, je peux te résumer ce qu'est pour nous cette auteure francophone : la plus mauvaise auteure que la terre ait jamais portée -quoique je ne pense pas trop m'avancer si j'implique carrément la galaxie...-.

N'écoutant que mon affection inaltérable pour Ema, je lui laissai choisir un roman de madame Kena. Son choix s'est porté sur le premier tome d'une série de BitLit, Les Guerriers de l'ombre, dont le titre -magique- « Amour brûlant » augurait un culture pourrie champion du monde.

 

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Je tiens à préciser que j'ai ACHETÉ ce roman sur Amazon en toute légalité sous la forme d'un ebook pour la somme exorbitante -si, si vu la qualité c'est hors de prix- de 6 euros 49.

Je savais que la lecture de cette infâmie pourrait être difficile. Je l'ai donc achetée en mai. Ema était présente et pour rire un peu, je décidai de lui lire l'incipit. Nous avons tellement ri avec ce premier paragraphe que je me suis retrouvée à lui lire tout le récit à voix haute. Ensuite nous avons décidé que j'écrirai et publierai tout de suite ma chronique.

Avant toute chose, mettons les choses au point. « Amour Brûlant » a déjà fait un buzz négatif sur le net en octobre 2011. Suite à des critiques plus que négatives, Sharon Kena a tenté de se défendre en expliquant que les chroniqueuses concernées avaient lu l'ouvrage avant que ce dernier ait été corrigé.

Je tiens donc à préciser que j'ai acheté le roman -format mobi- le 8 mai 2013. L’édition date du 20 décembre 2011, c'est la deuxième de l'ouvrage donc REVUE ET CORRIGÉE.

Commençons par le début avec un petit pitch de l'ouvrage -je me contenterai de copier coller la présentation officielle trouvée ici- :

« En posant son regard sur Kraler, Angel était loin de se douter que sa vie allait basculer du tout au tout. Imposant, fort, musclé et terriblement sexy, sous ses airs menaçants, il a pris possession de son cœur sans préavis. Fine, belle à l'odeur florale épicée, elle a su briser sa carapace et le rendre dépendant. Mais comment leur relation pourrait-elle avoir la moindre chance ? Déjà si fragile, elle devient impossible lorsque le vampire perd le contrôle pour une seule raison : il veut se rapprocher d'elle selon les coutumes de sa race. »

Je me suis longuement interrogée sur la forme que prendrait cette chronique. J'ai finalement décidé de m'adresser directement à l'auteure. Cet article aura donc plusieurs vocations... Si tu es un lecteur lambda de ce blog, tu auras ta part de rire. Si tu es écrivain, cette critique pourra t'éviter de nombreuses déconvenues. Enfin, si vous, madame Kena, lisez les lignes qui vont suivre, par pitié, prenez des notes.

 

Madame Kena,

J'ai lu avec une attention soutenue votre ouvrage, Amour Brûlant. Suite à cette expérience désastreuse, laissez-moi vous donner quelques conseils pour les romans que vous pourriez projeter d'écrire à l'avenir.

Déjà, Sharon -je peux vous appeler Sharon ? Après tout je viens de passer 16 jours en votre compagnie- le plagiat c'est le mal. Ayant lu la série de J.R Ward La Confrérie de la dague noire, les points communs m'ont plus que troublée. Je ne rentrerai pas dans les détails mais les deux sagas mettent en scène un groupe de vampires guerriers. Dans votre œuvre ce sont les Snake, les Guerriers de l'ombre, chez Ward c'est la Confrérie de la dague noire. Chez vous les vampires sont menés par Kraler alors que votre collègue a placé un certain Kolher à la tête de ses troupes. Les similitudes sont bien trop nombreuses au fil des pages pour n'être qu'un concours de circonstances...

Donc mon premier conseil est simple : on ne copie pas ses petites camarades même s'ils vendent bien.

Ensuite, je rappelle que la BitLit est un genre de divertissement, surtout quand il est, comme dans ce roman, mêlé à de l'érotisme ciblant un lectorat féminin. La lectrice lambda veut rêver, fantasmer, s'évader. Cela semble difficile avec vos personnages qui sont tout droit sortis de Confessions Intimes.

Le personnage de Viper symbolise parfaitement ce défaut. Ce dernier, collègue vampire de Kraler est un bourrin aussi vulgaire que la garde-robe de Loana. Les citations suivantes sont le genre de choses à proscrire si vous voulez faire fantasmer la lectrice :

« - Ouais à fond ! Non, je déconne ! Je m'suis soulagé avant de venir ! »

« Kraler et les membres du Conseil s'en donnent aussi à cœur joie, surtout Viper qui en profite pour violer certaines de ses victimes avant d'aspirer leur sang ».

« Le romantisme n'est pas son fort, son passé l'empêche de faire l'amour correctement. Il les traite comme des morceaux de viande – de choix, certes-, mais de viande pourtant. Il refuse les baisers, les regards yeux dans les yeux et les pénétrations vaginales. Il se passe aussi du consentement des femelles qu'il veut et des préliminaires. »

« Viper s'approche du vampire pour poser sa main sur ses parties intimes contractées.

-Tu bandes !

-Merci je l'avais remarqué.

-Tu veux te soulager avec moi ? Propose-t-il en baissant son pantalon pour lui montrer ses fesses. »

« Viper risque de s'amuser avec toi. Il aime les femmes qui lui résistent. »

« -J'suis sûr qu'il repasse un coup de motoculteur ! S'amuse-t-il. »

Restons dans le domaine du fantasme. Ici, je vais vous faire part, madame Kena, de mon opinion personnelle. Les scènes de masturbation masculine, avec pour décor les toilettes, ne suscite aucun émoi chez moi, au contraire. Je pense sincèrement ne pas être la seule. Dans le doute, évitez peut-être ce genre d'exploit.

De manière plus général, il me semble profitable d'éviter tout érotisme discount tel que :

« Il veut qu'elle s'abandonne totalement à lui et c'est ce qu'elle fait alors qu'il lui prodigue de fervents va-et-vient. »

« Toutefois ses lèvres ajoutées au souffle sur sa nuque la rendent toute chose, et une envie née en elle, alors elle lui pose la question qui lui trotte dans la tête. »

Sachez aussi que romantisme et dégoût ne font pas bon ménage, Madame Kena. Aussi les extraits suivants peuvent empêcher la lectrice de s'attacher à la romance que vous mettez en scène dans le récit :

« Elle prend la main de Kral pour la poser sur son cœur. Il peut sentir les battements de cet organe qu'il lui arrive de manger. »

« Il fait apparaître une griffe sur ses doigts. Elle ignorait ce pouvoir, puis il se tranche la jugulaire avant de porter l'endroit à ses lèvres où elle aspire le sang chaud qui coule dans sa gorge. »

L'héroïne en romance paranormale ou BitLit demeure un élément fondamental. Il est important de soigner le personnage en question. Donc de ne pas pousser trop loin la bêtise de l'héroïne :

« -J'ai probablement un cancer ! Je vais probablement mourir ! Alors excuse-moi de ne pas être pressée de savoir ! » Alors qu'Angel a simplement des symptômes de grossesse.

« -Je veux être l'ambassadrice de la paix entre vous. »

« Angel avale la boule qui se forme dans sa gorge, elle est devant ce bel homme qu'elle regardait un peu plus tôt, et vient de lui faire une piètre impression. Elle doit trouver un moyen de se rattraper. »

Rappelons aussi que trop de clichés tuent le cliché :

« Il a le regard sombre, les cheveux noirs en pagaille, une barbe de quelques jours et un piercing à l'arcade. »

Le séducteur qui se compare à une bulle du champagne que boit sa bien-aimée : « -J'aimerais être l'une de ces bulles, je caresserais ta langue sous mon passage, la charme David. »

Finalement, lors de l'écriture d'un nouveau roman, madame Kena, je vous conseille fortement de vous atteler avant tout à deux choses. D'abord, faites un résumé détaillé de l'histoire. Ensuite, élaborez soigneusement vos personnages. Effectivement, la présence de héros possédant une vraie psychologie et ne tombant pas dans le ridicule sera un grand pas dans ce projet ô combien ambitieux pour vous : devenir écrivain.

Après avoir passé du temps à construire une histoire et vos personnages, prenez aussi un moment pour faire des recherches. Un roman peut se permettre de jouer avec la réalité mais quelques notions de science -par exemple- pourraient aider votre ouvrage à ne pas être taxé de travail d'amateur.

Ainsi l'extrait suivant, « Après l'avoir vidée de son sang, il la laisse inconsciente au sol. » donne envie au lecteur de vous rappeler que le choc hémorragique ce n'est pas pour les chiens. Si le personnage est vidé de son sang, ben... il meurt.

Comme je le disais plus haut, le roman permet de construire une autre réalité. Toutefois la mythologie dans un récit fantastique doit non seulement être explicitée un minimum mais surtout ne pas tomber dans le ridicule. On évite donc les grossesses hybrides -humain/vampire- qui ont pour effet l’asphyxie de l'héroïne dès qu'elle s'éloigne du futur papa : « Si elle part, si elle s'éloigne...elle mourra asphyxiée. »

Ensuite madame Kena, prenez soin à la relecture d'éviter les contradictions ou les phénomènes tout bonnement impossibles. Encore mieux, payer un correcteur pour cela. Un professionnel évitera à coup sûr la présence de ce type de phrases dans vos romans :

« Angel sourcille et sourit en voyant le visage radieux de sa sœur quand elle évoque son David. »

« Elle se ravise, c'est vrai qu'un petit rouge serait parfait pour faire descendre ce délicieux casse-croûte.

- Du blanc. »

« Elle finit par trouver le sommeil, mais il est très agité, elle ne cesse de penser à Kraler. »

Pour vous faciliter la tâche, laissez-moi aussi vous dire que l'emploi du présent est à réserver aux écrivains confirmés, ou même aux écrivains tout court. C'est un choix périlleux. De même, on laisse l'emploi du discours indirect libre à Flaubert :

« Angel tourne machinalement la tête sur l'homme, non, un vampire. C'est Fritz. »

Je suppose que vous vous en rendez compte madame Kena, le suspens est un plus indéniable dans un roman, sauf quand il concerne l'orthographe et la grammaire. Je ne saurais donc que trop vous conseiller l'acquisition de trois ouvrages merveilleux : La Grammaire pour tous et La Conjugaison pour tous édités chez Hatier et... un dictionnaire. Rappelons qu'un correcteur, même professionnel n'est pas un magicien. Revoyez donc vos fondamentaux afin d'éviter de telles erreurs :

« Elle a toujours été charmée par les phallocrates et les hommes d'apparence glaciale ; alors pourquoi pas lui ? »

« Viper exalte à cette nouvelle qui lui donne des envies de meurtres sanglants sur les soldats qui se mettront au travers de sa route. »

« Pas de distorsion dans les rangs ! »

« Kraler avait objecté pour céder en acceptant. »

« Il n'est en rien ordonnateur, il est même courtois en prononçant ce qui s'apparente plutôt à un ordre. »

« Et lui arbore un air sérieux, mais qui cache un malaise apparent. »

« Le club est bondé – comme tous les soirs – de personnes que David ne s'explique pas. »

« Dans la nuit sombre et avec un manque d'entretien certain, l'endroit est plus que glauque et n'aspire rien de bon. »

« L'instant d'après il quitte les lieux d'une rapidité déconcertante. »

Je vais m'en tenir là pour les exemples, je pense que vous aurez compris le principe. En limitant ce genre de fautes, vous épargnerez un peu à vos lecteurs ce que j'ai subi moi-même en suivant les aventures d'Angel.

Hélas, limiter les fautes ne suffira pas à faire de vos productions des romans vendables. Ce serait trop simple. J'ai lu quelque part que vous étiez une mère de famille. Je comprends bien que vos enfants soient une source d'inspiration intéressante, mais il serait salutaire -vraiment- de ne pas utiliser ce qu'ils peuvent dire dans vos livres. Ce n'est absolument pas une bonne idée. On évite donc ce genre d'images ou de formulations :

« La pense-t-il sans amis ? »

« Personne ne s'approchera d'Angel à des fins maléfiques. »

« Cet homme qui lui a fait si passionnément l'amour ne peut pas être un méchant. »

« Sa sœur de cœur. »

Il serait donc utile de laisser de côté les expressions enfantines. Mais, par pitié, n'essayez pas de faire dans la figure de style. Limitez-vous au strict minimum pendant quelques années. Dans une ou deux décennies, peut-être, vous pourrez essayer l'audace en écriture. Avant, ce serait du suicide littéraire. En effet, il y a pire qu'un auteur qui ne truffe pas son texte de figures de style, il y a celui qui les utilise mal. Comme vous.

On évitera donc les pléonasmes sans intérêt :

« Le balafré au visage fait rapidement son entrée dans la salle. »

Les répétitions vides de sens :

« -Elle a fait un arrêt cardiaque, mais ça va maintenant. Je lui ai administré un calmant pour qu'elle se calme et se repose, elle dormira pendant vingt-quatre heures. »

Ou l'oxymore qui frise le ridicule :

« Cinq secondes après, dans un bruissement assourdissant, tout explose. »

Les métaphores sont un sujet particulièrement délicat car elles peuvent induire un effet très éloigné de ce que l'on veut au départ.

L'effet viande dans le torchon au lieu d'un érotisme subtil :

« Elle remplace sa main par ses lèvres, puis sa langue, avant de l'envelopper dans sa bouche.»

Ou même l'effet Dragon Ball :

« Kraler lui lance un regard de feu. »

J'imagine bien Sharon, votre panique face à cette avalanche de conseils. Il n'est pas facile d'apprendre un métier pour lequel on n'a pas de facilités naturelles. Vous pourriez fort bien, afin de ne pas vous retrouver face à une difficulté insurmontable commencer par un texte simple. Tenez, je peux même fournir le premier sujet : Racontez-nous la plus belle journée de votre vie. Après cet exercice, vous pourrez tout à fait trouver d'autres idées sur des sites offrant des sujets de rédactions niveau collège.

En espérant que ces quelques conseils seulement motivés par une bienveillance naturelle vous soient profitables.

 

Avec toute ma compassion,

AlterVorace

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Commentaires
E
@ Tous : Je réponds à la place d'AlterVorace qui était de mariage ce week end et qui récupère péniblement les heures de sommeil en retard -ce serait plutôt du sommeil à récupérer à force de jouer à Minecraft, mais ce n'est que mon avis-.<br /> <br /> Je disais donc. Oui Sharon Kena est une auteure française, donc il n'y a pas d'erreur de traduction -ce qui ne serait tout de même pas pardonnable de mon point de vue- et elle édite ses livres elle-même, ceci expliquant cela...<br /> <br /> Toutes les citations sont bien réelles et nous ont beaucoup fait rire et souffrir. Nous tenons également à certifier qu'aucun bébé chat n'a été maltraité pendant cette lecture -c'est réservé aux "oeuvres" de Gounelle-.
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O
Après moult péripéties avec mon navigateur internet...et au prix d'une négociation ardue avec mon ordinateur...je parviens enfin à lire ET à commenter...et quelle n'est pas ma joie de tomber sur cet article...dont j'avoue, j'attendais la publication avec impatience...Ema, tu es mon maître en torture...quand je serai à court d'idées de punitions originales, je pense que je te consulterai....Bisous les filles...je vais rattraper quelques mois de retard dans les articles...
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E
Bordel, je l'ai pourtant déjà lu, mais j'ai encore bien rigolé. Et j'ai aussi hâte de savoir la suite mdr Merci copine !
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S
Whaou, elle arrive à vendre ce genre de daube et elle a un éditeur..... sans quel monde vivons nous !!!! Merci pour cet article enrichissant, je ne savais pas qu'un tel livre existait. Si vous voulez vraiment découvrir un auteur excellent, je vous conseille MURAKAMI Haruki, ça c'est vraiment un auteur formidable !!!
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S
A ma première lecture j'avais laissée passer le "aspire" ! Mouahahahaha !! <br /> <br /> Et j'aime toujours autant le : Kraler avait objecté pour céder en acceptant. <br /> <br /> Franchement cette phrase est terrible ! Je l'adore :D
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