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Les Voraces
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25 juin 2022

Culture et Confiture médiévales 03 – La disquette au Moyen-âge 01

Très heureuse de te retrouver ami-lecteur pour ce troisième volet de Culture & Confiture médiévales… Bien entendu je te rappelle que si tu peux découvrir cet article sans avoir découvert les précédents, ce sera plus sympa si as eu l’occasion de les parcourir – pour info le premier épisode est ici -…

Après t’avoir expliqué les embrouilles de langues puis montré que les personnages des chansons de gestes étaient un peu les héros Marvel du Moyen-âge, nous allons parler bisous, épreuves et petit coeur tout tendre. Bref, je vais parler disquette médiévale. Parce que oui, s’il y a bien une chose qui ne change pas, c’est que tous les Leutfridus, Ascelin, Robert et Haganon du monde étaient comme Guillaume, Medhi, Paul et Dimitri : ils tentaient moult choses pour choper. Ah mais avec style hein, tout empaqueté dans du joli, même que ça s’appelait la fin’amor. L’amour courtois quoi…

 

La fin’amor

Si tu es aussi cinglé de bouquins que moi ami-lecteur, tu vas très vite comprendre... Tu vois tes crush livresques ? Ces mecs/femmes, sexy, musclés, charismatiques mais que quand même ils/elles savent aimer ? Tu seras d’accord qu’en vrai ça existe pas… Ben le fin’amor c’est tout pareil. C’est un machin idéalisé qui existe surtout dans les fantasmes des donzelles et des damoiseaux. L’amour courtois est préçis : l’homme – souvent un mec tout content de guerroyer ou de jouer aux tournois, un chevalier quoiest tout énamouré d’une bombasse inaccessible. Et pour la conquérir, il va accomplir plein de trucs chiants. Et pas juste prendre un abonnement à la muscu, lire ton roman préféré ou te payer des sushis… Nan, nan, nan… Il doit combattre et être super courageux. En plus de ça, il doit maîtriser l’art de la poésie et de la galanterie. Ouais le jeune premier doit envoyer du lourd. Bon, précisons quand même que comme tout idéal qui alimente les fantasmes, le fin’amor n’a pas grand-chose à voir avec les liens routiniers du mariage.

Dans le cas où toutes les conditions sont réunies – presque aussi longues que pour louer sur Lyon – et que la dame succombe, ben l’amant est quand même pas sorti des remparts… Il doit se soumettre complètement à sa chérie – ouais prends des notes, j’aime bien l’idée -, lui rester fidèle, assouvir ses désirs et blablabla. Quand je t’avais dit que c’était un idéal…

Pour essayer de rendre tout ce fatras courtois un brin réaliste, la dame en question est souvent d’un rang plus élevé que son soupirant. Ben ouais, sinon y aurait trop de risques que le prétendant soumette la demoiselle par la force de la hiérarchie.

Un exemple ? Lancelot – autant dans les textes médiévaux que dans Kaamelott – qui vénère Guenièvre et accepte beaucoup dans l’espoir qu’un jour elle le remarque. Et ce tout en restant discret sur ce qu’il ressent...

Kaamelott---Lancelot--Livre-III

Lancelot dans Kaamelott

Tu me diras, c’est bien beau tout ça mais pourquoi est-ce un concept si important en littérature médiévale ? Ben parce qu'un genre presque entier repose sur la fin’amor : la poésie lyrique.

Avant toute chose, on va évoquer l’auteur des plus anciennes chansons de l’époque et qui célèbre cet amour fait de patience et de galanterie. Et franchement le poète en question est un roman à lui tout seul…

 

Guillaume IX d’Aquitaine

Les plus anciennes chansons du pays d’Oc, dont on a gardé la trace, sont celles de Guillaume IX duc d’Aquitaine et comte de Poitiers… Ben oui c’est pas le paysan du coin qui écrit des poèmes hein mais les aristos vu que ce sont eux qui savent lire et écrire – puis qui ont du temps à tuer aussi...-. Guillaume, on le considère comme le premier des troubadours, ces nobles qui déclament la poésie en langue d’oc…

Né en 1071, ce duc d’Aquitaine succède à son père tout gamin, il a alors 15 ans… Il sera le père de….Guillaume X – ouais paie ton originalité – et le papi d’une femme si bien passée à la postérité qu’elle en est devenue une figure mythologique : Aliénor d’Aquitaine.

Guillaume aura une vie fort remplie, déjà il guerroie beaucoup, vraiment beaucoup, tant et si bien qu’il ira jusqu’en Orient…

120014768

Croisades et guerres

Puis il se marie aussi… Une première fois avec Ermengarde d'Anjou, sauf que ne s’entendant pas avec la dame, il la répudie assez rapidement. Bon, je dois avouer que la suite semble montrer que la donzelle n’était pas facile – ou alors que les hommes étaient juste de gros crétins...- car après plusieurs décennies de mariage avec son second mari, elle s'est barré pour aller dans une abbaye. Sauf qu’on la rendra quand même à l’époux abandonné… et ce sera la mort de ce dernier qui la libérera… Si nul ne peut prétendre savoir si elle était pour quelque chose dans ces deux unions toutes pourries, on notera quand même qu’elle ne manquera pas l’occasion, plus tard, d’aller témoigner de la vie dissolue de celui qui l’avait répudiée, notre duc d’Aquitaine.

Guillaume se remariera à Philippa de Toulouse à laquelle il fera plein d’enfants. Sauf que le cuistre tombera amoureux d’une autre… mariée avec un de ses vassaux– oups-.

Visiblement le sentiment est partagé et elle quitte son mari pour batifoler tranquille avec Guigui. Il est tellement content de sa maîtresse, surnommée la Dangereuse, qu’il répudie Philippa… Ce qui vaudra à Guillaume d’être excommunié…

Bref toute sa vie durant, il combat, il baise et il écrit. Des chansons/poèmes qui nous sont parvenues, l’histoire littéraire retient d’abord les quatre pièces qui célèbrent un amour fait d’attente, de courtoisie et de respect – lui qui répudiera deux épouses… Quel vaurien ! -. Voilà ce qu’il dit de l’homme amoureux :

Obediensa deu portar Il doit montrer obédience- obéissance /a manhtas gens qui vol amar à maintes gens celui qui veut aimer / e conve li que sapcha far et il lui convient de savoir accomplir / faitz avinens des faits avenants / e que gart en cort de parlar et de se garder, à la cour, de parler / vilanamens.comme un vilain.

BnF_ms

Guillaume IX d’Aquitaine

Malgré ces vers, et comme tu l’as déjà compris, Guillaume n’est pas un enfant de chœur… Tu veux une anecdote amusante mais invérifiable sur notre cher Duc ? Quand un évêque, qui est complètement chauve, lui fera la morale, comme quoi c’est un coquin à se faire la vicomtesse de Chatellerault, Guillaume le clashera sans pitié : « Tu pourras peigner tes cheveux sur le front avant que je répudie la vicomtesse ! ». Outch…

Forcément, avec cette personnalité, Guillaume ne se contente pas d’écrire des vers plein d’amour idéal, ben nan… Il fait aussi dans le truculent, limite vulgaire… Une de ces œuvres m’a tellement amusée que je ne peux pas faire autrement que de te l’offrir en entier, ami-lecteur – point d’inquiétude, je l’accompagne quand même de sa traduction - :

Companho, farai un vers qu'er covinen, Compagnons, je vais composer un vers convenable / Et aura - i mais de foudaz no - y a de sen, J’y mettrais plus de folie que de sagesse / Et er totz mesclatz d'amor e de joy e de joven.Et on y trouvera pêle-mêle amour, joie et jeunesse

Si - ls pogues adomesjar a mon talen, Si je pouvais les dompter comme je le voudrais, /Ja no volgr’ alhors mudar mon guarnimen, Je en porterais pas ailleurs mon équipement /Que miels for' encavalguatz de nuill ome viven. Car je serais mieux monté en chevaux qu’homme vivant.

Launs fon dels montaniers lo plus corren;L’un fut parmis les chevaux de montagne des meilleurs coureurs / Mas aitan fer' estranhez'a longuamen, Mais il est depuis longtemps farouche et rétif / Et es tan fers e salvatges, que del bailar si defen. Si farouche et si sauvage qu’il se dérobe à l’étrille

L'autre fon noyritz sa jus part Cofolen, L’autre fut élevé là-bas, au-délà de Confolens / Ez anc no - n vis bellazor, mon escien: Jamais vous n’en vit, par ma foi, de plus beau / Aquest non er ja camjatz ni per aur ni per argen. Celui-là je en le changerai ni pour or ni pour argent

Qu'ie - l donei a son senhor polin payssen; Quand je le donnais à son maître, c’était encore un poulain paissant / Pero si - m retinc ieu tan de covenen Mais je conservai sur lui, ce droit que, / Que, s'ilh lo tenia un an, qu'ieu lo tengues mais de cen. Pour un an que son maître le garderait, je l’aurais moi, plus de cent.

Cavalier, datz mi cosselh d'un pessamen: Chevaliers, conseillez-moi dans mon doute / - Anc mays no fuy issarratz de cauzimen, - Jamais choix en me causa plus d’embarras / Res non sai ab qual me tengua, de n'Agnes o de n'Arsen. Je en sais à laquelle je dois me tenir, d’Agnès ou d’Arsen

De Gimel ai lo castel e - l mandamen, De Gimel j’ai le château et le domaine / E per Niol fauc ergueill a tota gen: Et la possession de Niol qui me rend fier devant tous / C'ambedui me son jurat e pletit per sagramen. Car l’un et l’autre m’ont engagé leur fois par serment.

 Et voilà ami-lecteur, tu sais tout plein de trucs sur la naissance de la fin’amor et, aussi, sur Guillaume d’Aquitaine, personnage haut en couleur qui aura eu une vie bien mouvementée… Bien entendu le sujet de l’amour courtois n’étant pas épuisé, il me faudra publier un second épisode à ce propos… Comme quoi, qu’importe les époques, l’amour est toujours une grande affaire littéraire…

Sources :

  • Wikipédia

  • Histoire de la littérature française – Daniel Couty – Larousse – 2002

  • Histoire de la littérature française : Le Moyen-Âge – Jean-Charles Payen – Flammarion - 1999

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Commentaires
L
Excellent ! Si je peux me permettre une petite rectification, fin'amor est féminin. C'est donc la fin'amor. <br /> <br /> Bonne journée !
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