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10 juillet 2023

Petit Manuel du Féminisme au Quotidien – Maxime Ruszniewski

Petit Maniuel du Fem

 

Édition : Marabout

Parution : 8 février 2023

Genre : essai, féminisme

 

Je ne sais pas si tu le sais, ami-lecteur, mais, depuis septembre 2022, je me suis lancée comme « challenge » de lire régulièrement des ouvrages en lien avec le féminisme et/ou les questions de genre. Au départ, lancée pour quelques mois, ma démarche est finalement devenue tout autre… Sans limite de temps, je continue à lire autour de cette thématique pour nourrir ma réflexion et aussi m’armer intellectuellement pour mieux militer. Du coup, lorsqu’à l’occasion d’un masse critique je suis tombée sur le Petit manuel du féminisme au quotidien, j’ai glapi de joie. Ouais, rien que ça.

Ce livre s’adresse aux femmes qui ont envie de changer concrètement leur quotidien, mais aussi aux hommes qui ne savent pas forcément, en 2023, comment s’y prendre pour jouer le jeu de l’égalité ou comment  se comporter au travail, à la maison, en soirée, dans la rue. Car même si une majorité d’entre eux souhaite les mêmes droits pour leur fille, leur femme, leur mère, leur soeur, leur amie, les bonnes intentions sont trop vite balayées par la routine, les stéréotypes intériorisés, la répartition des rôles trop ancrée.
Ce manuel nous aide, en 30 questions, à prendre conscience des automatismes et des dérives avec lesquels nous avons été éduqués pour mieux les dépasser. Il nous apporte les réponses pratiques pour se responsabiliser et prendre notre juste part, au quotidien, dans nos foyers, au travail, avec nos enfants et dans notre couple.

Vouloir l’égalité demande du courage et impose des remises en question, mais cet idéal, que nous atteindrons ensemble, profitera demain à toutes... et à tous !

Je me suis donc plongée au plus vite dans les presque 200 pages de l’essai de monsieur Ruszniewski. Toutefois, est-ce que je glapissais toujours de joie au terme de ma lecture ?

Clairement pas. Déçue ? Complètement. Agacée ? Quelque peu. Mais pourquoi donc ce Petit Manuel du Féminisme au quotidien a été une telle déconvenue ?

Déjà l’auteur est un indécrottable optimiste. Pour lui, beaucoup d’hommes sont féministes sans le savoir. Pourquoi ? Parce que la plupart des mecs – et femmes – déclarent être pour l’égalité. Le « Je suis pour l’égalité » est au féminisme ce que le « Je ne suis pas raciste » est à la lutte contre le racisme. « Je suis pour l’égalité mais… ça va trop loin / les féministes d’aujourd’hui exagèrent / les hommes et les femmes sont différents / les féminazies veulent le matriarcat,... ». Surtout, les bonnes intentions n’ont jamais rien changé. Et avoir l’impression que beaucoup d’hommes sont féministes sans le savoir, c’est juste une impression. Démentie par les chiffres. Par exemple, en ce qui concerne le viol, l’enquête IPSOS pour mémoire traumatique, faite en décembre 2015, rapporte que 20 % des Français pensent que les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées et qu’il n’y a pas de viol si la victime cède lorsqu’on la force. Ou encore que 40 % atténuent la responsabilité du violeur lorsque la victime a accepté d’aller seule chez un inconnu. Et aussi que 17% des Français interrogés pensent que forcer sa conjointe à avoir un rapport sexuel alors qu’elle le refuse et ne se laisse pas faire n’est pas un viol. Beaucoup d’hommes féministes sans le savoir ? Vraiment ? En tout cas pour l'auteur, oui. Et comment justifie-t-il cette supposition ? Comme quoi la plupart des hommes ont des enfants, dont une fille. Euh… Ben nan. Après tout, les hommes ont forcément eu une mère, même Andrew Tate. Bref, à croire que son « féministe sans le savoir » est une version aseptisée du not all men si saoulant.

Tout au long, l’auteur va nous présenter un féminisme bien propret, bien bisounours, peut-être dans l’espoir de faire adhérer le plus grand nombre. Finalement, et sans doute pour cette même raison, il occulte tout ce qui pourrait perturber quiconque. Hélas, il va même plus loin en disant, à mon sens, des bêtises. Ainsi quand il aborde la supposée « guerre des sexes », une des réserves de ceux qui se méfient du féminisme, voici ce qu’il soutient, page 29 :

L’idée d’une « guerre » est d’autant plus injustifiée que la cause féministe est précisément l’une des plus pacifistes qui soient. De la conquête du droit de vote au MLF, jusqu’aux récentes manifestations contre les violences sexistes et sexuelles – qui ont rassemblé des dizaine de milliers de personnes, on ne recense pas un acte violent dans les cortège, pas un seul.

Euh… Ben, c’est des conneries. Un exemple récent ? Les manifestations du 12 et 19 août 2019, à Mexico, pendant lesquelles des vitres ont été brisées et un commissariat incendié. Un exemple historique ? Au début du XXe siècle, les suffragettes attaquaient à coups de pierres les fenêtres des propriétés de membres du Parlement, en Grande-Bretagne. Soutenir que la lutte féministe est et a toujours été pacifique, c’est non seulement refaire l’histoire mais aussi minimiser la colère des femmes. Une colère légitime.

Plus loin, il dit que le terme féministe n’est pas une obligation, il déclare « appelez-vous comme vous voulez. » Pardon ? Ouais sauf que j’entends trop souvent certaines personnes me dire « je suis humaniste moi » – sans connaître ce qu’est réellement l’humanisme – avant que ces personnes soit-disant humanistes ne tiennent des propos carrément sexistes. Genre que les hommes et les femmes ne sont pas égaux mais complémentaires. Complémentaires ? J’suis pas un jeu de construction, Jean-Mascu, et je n’ai pas été crée pour compléter qui que ce soit. Par contre, mon mari est un partenaire, on forme une équipe, et ça n’a rien à voir avec notre genre.

Je ne nie pas que monsieur Ruszniewski écrit aussi des trucs importants, sur le congé paternité par exemple. Il évoque aussi quelques chiffres et cite même Olivia Gazalé. Sauf qu’il caricature et n’offre presque aucune nuance dans ses propos. Par exemple, il dit que l’idéal masculin efface toute idée d'extérioriser ses sentiments. Euh ben nan. Pour voir l’expression masculine de la colère, de la joie ou de la tristesse, il suffit de passer quelques soirées dans les stades. 

Tu me diras, c’est bien de simplifier pour ceux qui sont encore peu sensibiliser. Mais un homme peu sensibilisé à la question féministe n’est pas un idiot, pourquoi le traiter comme tel ?

Si encore il offrait des solutions créatives et pragmatiques aux problèmes qu’il soulève. Sauf que nan. Même sur la répartition des tâches domestiques, c’est genre « faut communiquer » puis « faites un planning ». Euh, si c’était si simple, il n’y aurait pas un tel déséquilibre…

Malgré tous les reproches que je viens de faire, la pire partie de ce bouquin, pour moi, reste celle sur les violences faites aux femmes. Une partie plus vide que ça, ce serait des pages blanches. Soit, il évoque la notion de consentement. C’est la base… Puis il rappelle la loi. En fait il le fait tout du long. Dans la section à destination des éventuelles victimes, il y a tout un paragraphe sur le fait de porter plainte. C’est tout. Il n’évoque pas vraiment le viol, violence pourtant fréquente, et ne parle pas du tout de la culture du viol. Quant aux violences conjugales ? Il se contente encore d'insister sur le dépôt de plainte. Oui, c’est bien. Vraiment bien… Sauf que, rappelons-le, selon le ministère de l’Intérieur, en 2020, 35 % des victimes de féminicide conjugal avaient subi des violences antérieures. Et une sur cinq, 18 %, avait porté plainte.

Pour conclure, ce Petit Maniel du Féminsime au quotidien serait parfait dans un monde où les nuances n’existeraient pas, un monde où la loi permettrait une égalité de fait entre les femmes et les hommes, un monde où justice et forces de l’ordre auraient les moyens, les ressources et la formation pour prendre en charge les victimes de violences sexistes. Oui, il serait très bien dans ce monde-là, où le patriarcat ne serait pas aussi présent et puissant. Bref, ce serait un livre indispensable si on vivait en théorie. Dans le vrai monde, j’aurais mieux fait de passer mon chemin.

Note globale : 06/20

Ps : si j’avais un bouquin à conseiller pour quiconque débute sur la question du sexisme et/ou de la masculinité, ce serait Les couilles sur la Table, de Victoire Tuaillon, que je compte chroniquer très bientôt.

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