Mardi sur écran : A Muse (은교) - Jung Ji-woo - Kmovie
Pays: Corée du Sud
Date : 2012
Genre :Drama
Réalisation : Jung Ji-woo
D'après Eun-gyode Park Bum-shin
Après avoir vu le trailer de ce film venu de Corée du Sud, j'avoue que j'avais hâte de me faire une idée sur A Muse. Œuvre scandaleuse ? Provocation facile ? Huis-clos ? Le roman dont est adapté le film de Jung Ji-woo - Eun-gyo de Park Bum-shin - avait fait quelques remous. On lui reprochait de mettre en scène le désir d'un vieil homme pour une lycéenne. Le pitch, assez mystérieux, laisse en outre autant de place à l'espoir qu'à la crainte :
Lee jeok-Yo (Park Hae-Il) est un poète national célébré entré dans le crépuscule de sa vie. Reclus dans sa maison, son seul lien avec l'extérieur semble être son « élève », un auteur d'une trentaine d'année : Seo Ji Woo (Kim Mu-Yeol). Leurs routines et leur relation semble immuable. C'est alors que surgit dans leur vie Eun-Gyo, une lycéenne qui remettra tout en question.
Dès les premières images, ma surprise a été totale. On entre crûment dans l'existence de Lee Jeok-Yo, vieil écrivain isolé. La solitude est filmée sans concession, de même que la nudité du personnage. Le poète semble ne plus rien espérer, ne plus rien attendre, spectateur résigné de sa vieillesse. Son quotidien est seulement rythmé par les visites de Seo Ji Woo, jeune écrivain et son protégé. Les deux hommes semblent très proches l'un de l'autre.
Un jour, ils trouvent sur la terrasse une très jeune femme, lycéenne. Et là -à mes yeux- débute ce qui fait la qualité de la réalisation de Jung Ji-woo. Le personnage féminin, Eun-Gyo existe de deux façon. D'abord il y a la Eun-Gyo du vieux poète : magnifique, lumineuse, innocente. Sur le visage du vieillard, l'admiration et le désir surgissent sans fard. Ensuite il y a la Eun-Gyo que voit Seo Ji Woo, sans doute plus proche de la réalité.
Un mot sur les acteurs. Si Kim Mu-Yeol (dans le rôle du jeune écrivain) et Kim Go-Eun (Eun-Gyo) sont très très biens dans leurs rôles, la vraie performance vient -comme souvent- de Park Hae-Il. Moi qui ai tendance à trouver absurde le fait de prendre un acteur jeune pour jouer un personnage âgé, je pense qu'ici, il n'y a aucune erreur de casting. Déjà, on y croit sans difficulté. Ensuite la construction du film, avec le poète qui se fantasme plus jeune, justifie très bien ce choix. Surtout, l'acteur se montre à la hauteur de la tâche. Impressionnant...
Eun-Gyo va prendre une place de plus en plus grande dans la vie de Lee jeok-Yo. Le désir de ce dernier, tout en pudeur se focalisera sur la création. Mais la relation improbable entre les deux personnages remet en question la toute-puissance de Seo Ji Woo dans le quotidien de son maître. Et c'est là que les passions commencent à surgir.
Plus que le banal désir d'un vieillard pour une jeunesse, le film nous parle du temps qui passe, de la vieillesse, de la solitude... On sent bien que le poète voit son corps le trahir alors que ses passions n'ont pas faibli. Enfin, la question de la création est au centre de tout. Le désir pour Eun-Gyo ne devient dangereux que lorsqu'il devient inspiration. Tout au long du film, la caméra semble toujours filmer le regard d'un seul personnage sur l'héroïne qui nous apparaît complètement différente selon ce qu'elle suscite chez celui qui la contemple.
Le film prend son temps et parvient à nous peindre une vraie réflexion sur ce qu'est le temps et l'amour. Une très belle découverte.
NOTE GLOBALE : 16 / 20