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Les Voraces
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27 juin 2013

On ira tous au paradis – Emmanuel Jaffelin

 

Paradis

 

Édition : Flammarion

Collection : Antitode

Parution : 2013

Classement : essai, philosophie

 

Après t'avoir révélé mon goût pour les dramas, les romances froufoutantes et les explosifs fait-maison -comment ça Poule Prout, ce n'est pas la réalité ? -, je vais encore faire preuve d'une impudeur indécente en t'avouant que j'adore la philosophie. Que veux-tu, ami lecteur, nul n'est parfait. Pas même l'être divin que je suis. Restons d'ailleurs dans le thème avec un très court ouvrage sur la religion et la foi dans le monde contemporain que j'ai reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique sur Babelio. 

L'athéisme est chic : nous avons passé l'âge de croire au paradis. Allons plus loin : celui qui s'abaisse à croire à ces fadaises ne se condamne-t-il pas à être un fada ou un crétin ? N'y a-t-il pas un défaut d'intelligence et de connaissance dans le fait d'adhérer à toutes ces choses que la religion a placées dans la tête des hommes ? On a beau être désespéré ou avoir peur, on ne se rassure pas avec un tissu de sornettes ! Désormais, la science est là qui nous dit de quoi nous sommes faits et de quel bois nous devons nous chauffer. L'humanité est adulte, ce qui signifie que nous ne devons plus aduler ni Dieu ni Maître. Nous avons ainsi franchi une étape qui fait de nous des hommes de savoir, non des croyants. Mais si nous n'allons pas au Paradis, à quoi bon vivre et pourquoi avons-nous vécu ?

Il y a une certaine ironie à voir à quel point l'ouvrage de ce monsieur Jaffelin est emballé soigneusement dans un marketing rusé alors que l'auteur ne cesse de dénoncer la marchandisation du monde. Sur le petit livre, un de ces infâme bordereau rouge dont on ne sait jamais que faire pendant la lecture qui clame avec une audace très commerciale : Croire en Dieu rend-t-il crétin ? Outre cette inscription, toute la compagne de presse semble tendue vers le même but : nous faire croire au courage d'On ira tous au paradis. En tant qu'athée plus que convaincue, l'idée de lire un essai philosophique défendant la croyance et la foi -son utilité...- m'intéressait beaucoup.

La question de Dieu semble depuis quelques années avoir désertée la scène philosophique pour rejoindre le cloaque des journaux de TF1 ou les débats stériles de théologiens en mal en publicité. Il me semblait bien qu'on aborde enfin ce sujet avec le recul qu'il mérite et par le biais d'une discipline qui a l'avantage de s'ancrer dans l'histoire des idées.

Puis j'ai lu le livre d'Emmanuel Jaffelin. Ma déception a presque été aussi intense que lorsque je goûtais enfin le Kinder Joy après des jours de suspens. Tout ça pour ça ? Sérieusement ?

L'ouvrage en question s'articule en trois parties. La première « Dieu expire », nous parle du déclin des Religions. Deux remarques m'ont tarabustées. Premièrement, se limiter pour parler du concept de Dieu/Foi/Religion aux philosophes antiques, à Nietzsche, à Freud et à Marx me paraît un peu facile. Ensuite, l'ouvrage est d'un ethnocentrisme affligeant. Oui, on peut parler de déclin de la Religion en Europe occidentale. Mais l'Asie ? L'Afrique ? Amérique ? Visiblement monsieur Jaffelin est passé dans une faille spatio-temporelle et l’Europe définit pour lui les limites du monde.

Après nous avoir expliquer que tout le monde dit que Dieu est mort -ouais enfin juste Nietzsche-, la deuxième partie « Dieu respire », avance l'idée que non Dieu n'est pas mort, ni la religion. Monsieur Jaffelin où l'art de bien vendre un essai qui se contente d'ouvrir des portes déjà béantes. Heureusement que le marketing existe. Encore une fois sa vision semble complètement rétrécie par son point de vu d'européen. Ainsi, il donne l'exemple des États-Unis, en nous expliquant que la vitalité de Dieu là-bas est une preuve de sa résistance :

Il serait toutefois présomptueux de dire aux États-Unis que « Dieu est Mort » puisqu'il bouge encore au plus haut niveau de la vie politique […] en dépit du fétichisme radicale de la marchandise qui caractérise la société américaine.

MAIS QUI AU JUSTE A PU DIRE SERIEUSEMENT UN JOUR QUE DIEU ETAIT MORT AUX ETATS-UNIS ????!!!!!

Remarque, ami lecteur, l'idée est attrayante. Tiens je vais essayer moi aussi. Je vais écrire un essai éducatif contre la mode donner aux jeunes enfants du verre pilé à manger. Quelle audace ! Comment ça, personne ne pense que donner du verre pilé à un bambin est sain ? Peu me chaut ! L'important, c'est d'avoir l'air rebelle. Être courageux devant un pistolet à eau me semble un peu risible.

Passons à la troisième et dernière partie de l'ouvrage de monsieur Jaffelin : « Dieu inspire. » Je vais t'en faire un résumé aussi rapide que l'a été l'irruption de l'ennuie durant ma lecture. Pour lui, la croyance ne rend pas crétin mais élève l'homme au-dessus du corps -qu'il soit physique ou social-. Pour justifier sa thèse, l'auteur nous expose les bienfaits de la prière qu'elle soit mécanique ou mystique -la première (sans âme pour une mécréante de mon genre) serait au service de la seconde (pour moi cet état peut se trouver tout autant dans la pratique de la méditation).

 Je ne nie pas la validité possible de la thèse de monsieur Jaffelin mais celle-ci me semble aussi fraîche que la couche faisandée qui traîne au fond de ma poubelle depuis une semaine. Oui, Dieu est mort pour Nietzsche mais c'est surtout le Dieu des théistes, ceux qui veulent prouver l'existence de Dieu par la raison. Oui, il semble vain de vouloir faire entrer science et foi en compétition. Or il y a fort longtemps que cela a été dit et qu'une autre vision des choses existent -depuis le 19ième, c'est dire-. Pour s'en assurer il suffit de relire Kierkegaard et sa thèse selon laquelle la foi ne doit pas s'expliquer, se justifier ou se confronter à la raison pour rester ce qu'elle est. La foi c'est croire autant que douter sans être en quête de preuve. Sans cela elle perdrait sa propre substance.

Bref Emmanuel Jaffelin nous offre ici un livre parfois intéressant mais qui semble avoir plus pour ambition de vendre que de susciter une réflexion inédite. Toute sa thèse reste très superficielle et occulte certains des pans les plus passionnants de la philosophie et de l'histoire des idées. Le genre de bouquin qu'on lit pour faire croire que l'on pense sans pour autant se fatiguer à le faire. Décevant.

 

NOTE GLOBALE : 05 / 20

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Commentaires
A
@ Au trois mousquetaires : vous n'êtes que de viles mécréantes qui se délectent de la souffrance d'autrui mdr. Mais je comprends. J'aime quand Ema détruit un livre...
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E
Ahlala qu'est-ce j'aime quand tu es méchante :D J'ai encore bien ri en lisant ton article.
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S
J'aime ni la philo ni la religion, par contre... j'ai aimé voir ce livre se faire démonter :D
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W
Pourquoi pas. Je ne l'ai pas encore lu car je finis le livre d'henry Bauchau "Œdipe sur la route "
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D
Il faut avouer que le hasard a super bien fait les choses. Ouais ! Le cycle de l'eau, la capacité à la nature de se régénérer très vite (malgré les efforts humains de la démolir), l'ordre de l'univers qui permet d'envoyer des sondes jusque mars, la conception d'un enfant... et j'en passe. Essayez de mettre un puzzle de 1000, non 500, allez 5 pièces dans une boite et mélangez autant de temps qu'il faudra. Si en ouvrant la boite le puzzle est fini... alors là je croirai tout ce que vous voudrez... :)
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