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Les Voraces
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6 juillet 2012

Le vendredi c'est culture pourrie : un livre indésirable -et si j'allumais un feu avec ce bouquin ?-

l-epouse-indesirable

Si parfois je projette avec délectation de te concocter un Culture Pourrie -en ouvrant un Harlequin par exemple-, certaine fois c'est sans aucune préméditation que je tombe sur un livre qui me met hors de moi tant sa médiocrité est effarante. Entre deux lectures sérieuses, j'apprécie, je te l'ai d'ailleurs déjà dit ami lecteur, une romance légère et distrayante. Pour cela, la collection Aventures et Passions de J'ai Lu a mes préférences. C'est donc sans aucune méfiance que je commençai L'épouse indésirable de Marnie de Marez. D'après ce que j'avais compris du résumé, l'histoire était classique : sans le préméditer, Arnaud -beau, jeune et riche- compromet une petite vierge de 16 ans, Laura. Ils n'ont d'autre choix que de se marier. Peu après la cérémonie, le jeune homme quitte le pays pour ne revenir que quatre ans plus tard. Il revoit Laura et ne reconnaît pas la petit jeune fille trop maigre qu'il a épousé ; elle est devenue une jeune femme séduisante et sûr d'elle. Comme tu le vois, je pensais avec certitude me trouver devant un classique du genre alignant tous les clichés pour faire fondre mon petit cœur de pierre. Je n'attendais pas grand chose : me changer les idées, mais l'expérience fût atroce, cauchemardesque, terrifiante. Dés les premières phrases du roman, les faiblesses du style m'ont fait saigner des yeux :

« L 'annonce de leur mariage en étonna plus d'un. A commencer par eux-même.

Si, au début du printemps, quelqu'un lui avait dit qu'il serait marié avant l'automne, Arnaud l'aurait traité de fou avant de s'écrouler de rire. Puis, il se serait payé une bonne crise de rage. Marié, lui ? Et... avec qui, s'il vous plaît ? »

Là, j'ai essayé de trouver des excuses en me disant que les auteurs de cette collection étaient en général anglophones et que la traduction devait sans doute être mauvaise. Sauf que, ben nan. Parce que cette chose a été commise par une auteur bien de chez nous. Née à Lille pour être exacte. Bon ce sera donc un récit distrayant mais mal écrit ? Soit, je peux toujours faire avec. Mais au fil des pages le simple roman médiocre s'est révéler être une honte.

Nous avons donc Laura, une très jeune femme d'une timidité maladive affligée de bégaiement. Cette petite chose fragile est sous la domination d'une mère affreuse. En plus elle a l'air d'une gamine de douze ans. En face, nous avons Arnaud que nous appellerons GrosConnard. Il a 27 ans et se remet tout juste d'une balle reçue lors d'un duel. Il faut savoir que dans le roman de madame de Marez, les hommes ne sont pas des hommes. Nan, ce sont des bêtes incapables de contrôler leur libido. A cause de cela, le convalescent demande à son frère de lait d'organiser un rendez-vous dans une cabane avec une jeune fille peu farouche contre rétribution. Que voulez-vous, le pôvre garçon ne peut pas tenir quelques semaines sans baiser une fille de joie... Il ne connait pas la donzelle mais peu importe... Le voilà donc dans la cabane. De son côté, notre héroïne se promène dans les bois quand un orage violent éclate. Elle cherche alors un abris et se réfugie....dans cette même cabane. Là, tu te dis ami lecteur que le jeune premier va se méprendre et à coup de caresses prodigieuses convaincre Laura de se livrer à lui. Sauf que non. Il ne s'embarrasse pas de préliminaire et, dans le noir, viole la jeune femme. Quand il voit qu'elle gigote et tente de le repousser, il lui crie dessus. Un garçon charmant. Il va sans dire que Laura est terrifiée :

« Le contact de l'homme lui inspirait une telle frayeur qu'elle ne put maîtriser un violent frisson quand il tendit de nouveau la main pour la toucher. »

Après coup, GrosConnard se rend compte de sa méprise et s'excuse du bout des lèvres. Bon prince, il dit que, bien entendu, il l'épousera puisqu'il a compromis une jeune pucelle. Je vous laisse imaginer la joie que Laura ressent à l'idée d'épouser son violeur. Elle refuse donc. Et quelle est la réaction de GrosConnard ? Allez pour le plaisir de l'esprit :

« Il se donnait de bonnes raisons pour agir lâchement. Tout d'abord, quel besoin avait-il de tourmenter cette enfant demeurée ? N'avait-elle pas eu sa part de contrariété, elle aussi ? »

Donc après cette magnifique scène de viol, -ou simple contrariété selon le point de vu-, nos héros rentrent chez eux.

GrosConnard ne se laisse pas abattre et justifie encore une fois son surnom :

« La tension entre Arnaud et sa conscience ne se relâcha pas pendant trois jours. Puis une sorte de revirement s'opéra en lui. Le sentiment aigu de son objection s'atténua soudain. (…) Puisque nulle punition ne venait sanctionner sa faute, il s'en estimait absous. Fin prêt à l'oublier. »

Curieusement Laura a besoin de plus de trois jours pour s'en remettre. Ses terreurs nocturnes lors d'une nuit d'orage alerte sa mère qui la fait parler. Ni une ni deux, la môman balance l'histoire à Lady Constance qui oblige alors son fils, GrosConnard, à épouser Laura. La jeune fille est terrifiée par ce mariage, ainsi, lors de la cérémonie, elle tarde à donner son assentiment et GrosConnard la bouscule :

« -Réponds au révérend, ordonna-t-il d'une voix dure à son oreille. Et ne t'avises pas de t'évanouir ! »

Là je t'avoue que j'ai vérifié que je lisais bien un bouquin de la collection Aventures et Passions, dans laquelle les héros sont généralement des fantasmes sur pattes. Je ne comprenais pas ce que GrosConnard venait faire ici.

Après cet émouvant mariage, le couple va à Londres mais GorsConnard prend ses quartiers à l'hôtel. Cette situation est provisoire en attendant le départ du jeune marié pour l'Amérique où il doit hériter d'une plantation dans le Mississipi. Il a été décidé que son épouse retournerait chez ses parents pour l'attendre. Pour le moment, GrosConnard continue d'être odieux. Ainsi il oublie de donner de l'argent à Laura qui emprunte alors à sa femme de chambre. Pire, il se montre violent :

« Aveuglé par la rage, il la gifla. Le coup l'atteignit sur la bouche et sa tête alla heurter la bibliothèque avec un bruit sourd qui le ramena à la raison. »

Avant de partir, GrosConnard explique alors qu'il veut divorcer et qu'un avocat passera rapidement pour lui faire signer les papiers. Sauf qu'au milieu du 19ième, être une divorcée veut dire être une paria et se voir rejetter à la fois par la société et par l'église. La jeune femme ne veut pas être déshonorée et sans le dire à son connard de mari décide de ne pas accepter le divorce.

Il va sans dire que Laura est plutôt soulagée du départ de GrosConnard, mais, lasse d'être brimée, elle se refuse à retourner vivre avec sa môman et fuit en France où vit sa demi-soeur. Cette dernière prend alors Laura sous son aile et  l'entoure d'affection. Au fil du temps Laura prend confiance en elle et se métamorphose en une femme séduisante. Quatre années passent. Et bien entendu, GrosConnard revient sur le vieux continent et débarque en France. Lors d'une soirée, les héros se rencontrent. Arnaud va voir son épouse qui semble ne pas réagir, il pense alors qu'elle ne le reconnaît pas :

« Il s'amusait franchement à présent. Elle ne se rappelait pas ! La petit cruche avait toujours l'esprit aussi lent. »

Il demande à lui parler en privée mais Laura lui dit qu'elle le contactera. En fait, la jeune femme est allée voir un évêque de sa connaissance pour lui expliquer la situation -viol et violence toussatoussa- et entamer les démarches pour faire annuler le mariage. C'est chez l'homme d'Eglise que les deux ennemis se retrouvent. GrosConnard a une réaction digne de son surnom :

« Laura l'avait mis au courant des évènements qui avaient suscité leur mariage, évidemment ! Bon sang ! Elle ne pouvait pas se taire ! C'était bien d'une femme de raconter des détails sans importance. Tout cela était oublié depuis belle lurette. »

Sauf que l'évêque est un crétin manipulateur et fait croire aux jeunes gens que l'annulation ne sera possible qu'après quatre mois de vie commune. Ces derniers acceptent et se retrouvent donc à la campagne à partager leur quotidien. Là, ami lecteur, j'imagine que tu plains la pauvre Laura obligée de cohabiter avec celui qui l'a violée, humiliée et battue. Et comme moi, tu te demandes peut-être si l'auteur va vraiment avoir le culot de faire tomber amoureux nos héros.

Après avoir été témoin d'une terreur nocturne de Laura, GrosConnard tombe des nues quand il comprend que la jeune femme n'a pas oublié le viol :

« Il croyait que Laura avait pris cette... erreur pour ce qu'elle était, c'est à dire une méprise, regrettable certes, mais bénigne. »

Il décide alors d'être un peu plus gentil. De fil en aiguille il tombe amoureux de Laura. Qui l'envoie bouler. Logique. Sauf que, et là j'admire presque l'aplomb de l'auteur, Laura s'attache tout de même à GrosConnard :

« Qu'allait-elle devenir sans lui ? Comme une âme en peine, souffrirait-elle d'un vide intolérable ? Arnaud était son seul et véritable... ami. »

Et finalement Laura tombe amoureuse de son mari. Oui, l'amûr est tellement fort chez madame de Marez qu'il peut surmonter la violence, le mépris et un viol. Magique. Et tout cela sans que GrosConnard s'amende ou devienne un être humain acceptable. Ainsi lorsque Laura lui avoue ses sentiments, il laisse passer à peine dix secondes avant de vouloir coucher avec elle... La pauvrette refuse et lui demande du temps mais GrosConnard lui répond :

« -Vous dites m'aimez Laura. Comment vous croirais-je ? Vous vous repliez sur vous-même et ne donnez pas l'impression de vouloir préserver l'amour que vous prétendez me porter. »

Encore mieux il ose lui dire qu'il souffre plus qu'elle n'a jamais souffert :

« -Et réjouissez-vous car, si jadis je vous ai fait du mal, vous me l'avez fait payer au centuple. »

Oui, donc ami lecture, le héros de cette romance, celui dont est amoureuse l'héroïne, pense que le viol engendre moins de souffrance que quelques jours d'abstinence. Pire, GrosConnard lui fait du chantage pour la baiser :

« -Oh ! Que si ! La consommation ou l'annulation. Lors de sa dernière visite, monseigneur a été formel là-dessus.

S'il mentait sans vergogne, c'était pour la bonne cause. »

Ils couchent donc ensemble et Laura découvre le plaisir -ou comment deux bisous et trois caresses viennent à bout du traumatisme de l'héroïne, madame de Marnez nous offre donc la résillience la plus rapide de l'histoire. GrosConnard est violent, autoritaire et n'a aucun conscience, peu importe ! C'est Laura elle même qui en convient :

« Sa voix avait retenti dans la chambre comme un coup de semonce. Quel homme autoritaire ! Dominateur en diable ! Cependant, elle devrait faire avec puisque le changer était impossible. Peut-être était-ce cela qu'elle aimait en lui ? Non ! Finalement, tout lui plaisait en lui. »

Le livre se termine avec un couple fou amoureux et complètement amnésique du passé.

Je comprends bien que ceux du passé n'avaient pas vraiment la même vision des choses mais bordel, comment Laura peut-elle tomber amoureuse de GrosConnard ? Comment peut-on écrire une histoire d'amour entre un violeur et sa victime ? Et nous donner pour héros, dans une romance, un mec qui a violé une gamine -le coup du oups pas exprès, bof quoi-, qui frappe son épouse et lui fait du chantage pour la baiser ? franchement, je ne m'en remets pas. J'ai trouvé non seulement ce roman mauvais, mais aussi malsain et misogyne. Je ne pensais pas qu'un jour j'aurais envie de jeter ce genre de livre dans les flammes...

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Commentaires
A
Je suis d'accord avec toi mais -hélas- certains éditeurs ne se posent pas beaucoup de question hormis financières...<br /> <br /> Contente que l'article t'ait fait rire. Et effectivement je pense que ce personnage, GrosConnard, va devenir une échelle de mesure.<br /> <br /> Pour mesurer le degré de "connaritude" -oui je sais ce mot est une invention- d'un héros, je le comparerai désormais à GrosConnard.
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C
affligeant... mais le plus affligeant est quoi : qu'une auteure est écrit ce livre ou qu'un éditeur est publié ce livre ?<br /> <br /> En tout cas, ce n'est sûrement pas affligeant que tu l'aies lu car ta critique est excellente. Je me suis marrée du début à la fin, et je pense que GrosConnard deviendra régulièrement le nom de certains personnages dans la rubrique Culture pourrie !
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E
@Belette : c'est sûr qu'Altervorace a été bien courageuse sur ce coup-là. Mais je vais t'avouer un truc, des fois on lit des trucs affligeants exprès pour en faire un culture pourrie. En tout cas, on est contente que cette rubrique plaise, parce qu'on s'amuse bien à l'écrire !<br /> <br /> A bientôt.
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B
Salut,<br /> <br /> <br /> <br /> L'épouse indésirable, mais il aurait dû se nommer "GrosConnard l'enfoiré de mes deux" ce livre ! Il la viole, l'épouse, fou le camp, revient et fait le pauvre petit lapin terrorisé parce que madame l'a envoyé au lit sans son gros calinou et sans gros poutoupoutou à son p'tit ziguigui ?<br /> <br /> <br /> <br /> Et bien, tu as du courage d'avoir lu ça (je téléphone à l'asile, il doit y avoir des séquelles) jusqu'au bout et de nous en avoir fait profiter.<br /> <br /> <br /> <br /> Ta critique est bien marrante, sans doute plus que le livre. Je n'en voudrais même pas pour allumer le feu.<br /> <br /> <br /> <br /> Tous les bloggueurs devraient avoir cette icône "culture pourrie" dans leurs blogs pour mettre en garde le lecteur.<br /> <br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br /> <br /> Belette2911
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C
Rien à voir avec l'article ci-dessus...Quoique...Super chronique pour un bouquin bien naze. <br /> <br /> <br /> <br /> Bien reçu le colis. Romance pourrie? heu oui j'en ai bien l'impression. Mais j'ai eu chaud, j'aurai pu avoir "l'épouse indésirable". Il m'aurait fait peur celui-là...<br /> <br /> Bon 3 harlequins ( dont un triple), je suis gâtée !!) Premiers Harlequins de ma vie. j'en ai déjà vu et touché mais jamais lu. Je les donnerai à ma soeur. Je sais qu'elle aime...<br /> <br /> et puis elle en ce moment elle a besoin d'amûr....<br /> <br /> Heu moi c'est pas trop mon truc ce genre de bouquins, même avec estampillés PASSION. Même s'il y a - on le chuchote - du c... dans ces romances.<br /> <br /> Harlan Coben. Jamais lu non plus. Hop pour mon mari, il me demande toujours de lui ramener des policiers de la bib. Il découvrira...<br /> <br /> Robert Merle j'ai aimé autrefois, mais pas les Fortune de France. Un peu d'allergie à l'histoire. Vu que sur Babélio ils en disent beaucoup de bien. Pas gentil de le mettre dans les romans affligeants...<br /> <br /> <br /> <br /> J'attends pour le DVD d'être en bonne compagnie histoire de se marrer à plusieurs. Si on tient le choc !<br /> <br /> <br /> <br /> Et enfin merci pour les gateaux. Là pas de partage. Ma bonté a des limites.<br /> <br /> Voilà merci pour ce concours, pour cette culture pourrie, pour la lettre qui m'a fait rire, pour le blog qui me surprend quelquefois.<br /> <br /> Merci pour cet envoi rigolo.<br /> <br /> <br /> <br /> Bel été à vous<br /> <br /> amicalement
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