Fascination - Stephenie Meyer
Edition : Hachette jeunesse
Parution : 2005 pour la traduction
Classement : récit Clearasil®
Attention, je parle de la saga dans son ensemble, spoiler présents dans cet article...
Depuis longtemps je considère la majorité des phénomènes littéraires comme, au mieux, des fumisteries sympathiques et au pire des succès abjects. Lorsque j'ai acheté, il y a longtemps maintenant, Fascination de Stephenie Meyer, je voulais savoir dans quelle catégorie je mettrais cette saga qui rend nos ados hystériques. Si tu ne vis pas dans une caverne sans électricité et sans journaux ami lecteur tu dois savoir à peu près de quoi parle le premier tome de Twilight. Nan ? Ben nous avons Bella, une gentille lycéenne un peu maladroite et mal dans sa peau qui tombe amoureuse d'un petit éphèbe mystérieux qui se révèle être un vampire. Forcément l'amour est fort, beau et impossible. Edward non seulement n'est pas humain mais il se consume de désir pour le sang de l'héroïne. Romantico-gothique donc.
Tout d'abord lecteurs exigeants, lecteurs passionnés de style, lecteurs allergiques aux bluettes, passez votre chemin. Si on s'en tient à un froid avis intellectuel Fascination ne tient pas la route. Le style est pitoyable, tout juste du niveau d'un Harlequin pour pseudo-gothiques accros au Clearasil. Tu veux un exemple ? C'est cadeau...
« Le spectacle d'Edward au soleil était choquant. Je ne parvenais pas à m'y habituer, bien que je l'aie eu sous les yeux tout l'après-midi. Sa peau, blanche en dépit d'une vague rougeur due à sa partie de chasse de la veille, flamboyait littéralement, comme si des millions de minuscules diamants y avaient été incrustés. Il était allongé dans l'herbe, totalement immobile, chemise ouverte sur son torse sculptural enivrant, ses bras nus chatoyants. »
Tu auras remarqué mon ami que le vampire se prend pour une boule à facette. Oui il brille. Car sous la plume de madame Meyer les créatures buveuses de sang deviennent des végétariens trop kawaiiii tandis que les loup-garous sont de beaux gosses torse nu qui subissent des coups de foudre trèèès romantiques... A l'époque on avait déjà reproché à la pourtant excellente Anne Rice de lisser à outrance les vampires, mais là, l'ingrédient des soirées disco dans le mythe de Dracula avouons que c'est grandiose. Bien entendu on peut aussi partir du principe que cela n'a pas d'importance et décider que les mythes sont là pour être enrichi -ou pas- et que les figer dans le marbre serait une incohérence.
Personnellement ce n'est pas tant les écarts que madame Meyer se permet avec la mythologie du vampire qui me gênent mais l'utilisation qu'elle en fait. La sage de Twilight est tout à fait saine, voir hygiéniste. Certaines de mes amies lectrices ne souscrivent pas du tout à cette interprétation, je vais donc tenter de m'expliquer.
Twilight est tout aussi provocateur que l'est le Petit Chaperon rouge. Sanglant, cru mais pétrie d'une moralité irréprochable. Comme dans le chaperon nous avons la jeune innocente, Bella, tentée par le sensuel Loup, Edward. Et si la jeune vierge américaine succombe ce n'est que dans les liens sacrés du mariage. Ouais. Tout ce qui pourrait nous paraitre scandaleux est lissé, moralisé, aseptisé. La sexualité figure dans la saga par les seuls prismes de la tentation héroïquement combattue ou du plaisir dédouané par le mariage. Les hommes, hors du père, se limitent au vampire vieux jeux qui combat inlassablement ses pulsions, au rival tentant mais qui n'aura qu'un baiser pour obole et à une horde de voyous qui manquent de violer Bella dans le premier tome.
Rappelons aussi que le mythe du vampire, pourtant à la symbolique très érotique, est ici vidé de toute substance sensuelle. Edward et sa famille sont végétariens. De même le côté diabolique exprimé habituellement dans la vie nocturne des buveurs de sang est complètement annihilé : les Cullen craignent le soleil non pas à cause de leur aura satanique mais bien parce qu'ils sont de vrais boules à facettes.
Pourquoi après tout ça ai-je lu la saga dans son intégralité et même plusieurs fois ? Et bien parce que ce conte pour ado est diablement -si je puis dire- efficace. Si madame Meyer est loin de posséder une plume flamboyante, elle a le mérite d'avoir un grand talent commercial. J'ai été prise dans l'histoire malgré moi et je ne le regrette même pas. Je dois toutefois préciser que les choses s'améliorent au fil des tomes. Le quatrième est à mon sens le meilleur et s'il reste un petit roman de divertissement au style plus que moyen, sa construction, soignée, montre qu'il y a, peut-être, un peu d'espoir pour madame Meyer. Ou pas...
NOTE GLOBALE : 9/20